Le démembrement est une procédure particulière de répartition de la propriété d’un bien immobilier. Dans cet article, nous vous expliquons comment cela fonctionne et dans quels cas une acquisition immobilière en démembrement peut être particulièrement intéressante.
Le droit de propriété est composé de 3 attributs :
l’usus, c’est-à-dire le droit d’utiliser le logement pour y vivre ;
le fructus, c’est-à-dire la possibilité de tirer des revenus du bien immobilier (location) ;
l’abusus, c’est-à-dire le droit d’aliéner le bien (le vendre, le transformer, etc.).
La réunion de ces 3 éléments correspond à la pleine propriété. Le démembrement de la pleine propriété d’un bien immobilier consiste à séparer ces différents droits pour les répartir entre différentes personnes : d’une part l’usus et le fructus, qui constituent l’usufruit ou droit d’usage, et de l’autre, l’abusus, qui correspond à la nue-propriété (les murs en quelque sorte).
Acquérir un bien immobilier en démembrement équivaut ainsi à acheter, selon le cas, l’usufruit ou la nue-propriété du bien. Quand on veut devenir négociateur immobilier, il faut connaître ce type de vente. Ce type de transactions représente un marché en pleine expansion, avec une croissance annuelle de +6 % en 2021 selon le baromètre 2022 de Renée Costes, l’un des principaux acteurs de ce marché.
S’il s’agit d’une vente en nue-propriété, l’acquéreur achète la nue-propriété et le vendeur conserve l’usufruit durant une période donnée (soit un terme fixe ou jusqu’à son décès s’il s’agit d’un viager). Dans le cas particulier du viager, l’investisseur verse un capital immédiat (appelé bouquet) puis une rente mensuelle (viager). Dans tous les cas, à l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété du bien immobilier, sans frais supplémentaires.
La répartition de la valeur d’un bien entre usufruitier et nu-propriétaire est déterminée par un barème fiscal, établi en fonction de l’âge de l’usufruitier. En cas de vente du bien, l’accord de l’usufruitier et celui du nu-propriétaire sont nécessaires, puisque les droits de propriété sont partagés. Le montant de la vente est alors réparti en fonction des droits de chacun. En revanche, le nu-propriétaire a la possibilité de revendre sa nue-propriété quand il le souhaite, sans avoir besoin de l’accord de l’usufruitier.
Si le bien n’est pas mis en location et sauf convention contraire, le paiement des réparations d’entretien incombe à l’usufruitier, tandis que les grosses réparations sont à la charge du nu-propriétaire. Attention, le règlement de copropriété peut prévoir une clause de solidarité, qui a pour conséquence de permettre au syndic de réclamer les sommes indifféremment à l’usufruitier ou au nu-propriétaire.
En revanche, l’usufruitier-bailleur a les mêmes obligations qu’un propriétaire « classique » vis-à-vis de son locataire : il doit, entre autres, prendre en charge les grosses réparations nécessaires à la location du bien.
La taxe foncière est redevable par l’usufruitier (les impôts l’établissent d’ailleurs à son nom).
En règle générale, c’est aussi l’usufruitier qui doit déclarer la valeur du bien en pleine propriété et s’acquitter du paiement de l’impôt sur la fortune immobilière. Il existe cependant des exceptions, notamment dans le cadre d’une succession familiale et d’un usufruit légal attribué au conjoint survivant, où le nu-propriétaire et l’usufruitier doivent tous deux déclarer le bien, à hauteur de la valeur de leurs parts respectives.
L’acquéreur en nue-propriété achète un bien immobilier à un prix inférieur à sa valeur sur le marché. Il bénéficie en effet d’une décote pouvant aller jusqu’à 50 % de la valeur du bien, correspondant à la valeur de l’usufruit conservé par le vendeur. Le nu-propriétaire récupérera le bien en pleine propriété à l’extinction de l’usufruit (terme fixe ou décès de l’usufruitier).
Autre avantage : en cas de revente après la période de démembrement, la plus-value est calculée en fonction de la valeur de la pleine propriété à la date d’acquisition (et non en fonction du montant payé par l’acquéreur, qui tient compte de la décote).
De plus, les frais d’entretien et la taxe foncière sont à la charge de l’usufruitier, ce qui limite les frais aux grosses réparations listées dans l’article 606 du Code civil, qui concernent les gros murs, les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, les digues ou encore les murs de soutènement.
Enfin, la nue-propriété n’entre pas dans le cadre de l’impôt sur la fortune immobilière ou en réduit largement l’assiette taxable.
Le démembrement est souvent utilisé dans le cadre de la transmission de patrimoine, pour anticiper une succession et réduire les frais associés. Les parents cèdent la nue-propriété à leurs enfants par exemple, tout en conservant l’usufruit du bien immobilier.
Cette technique a plusieurs avantages et vous pouvez l'apprendre avec une formation acheteur. Elle permet tout d’abord de réduire les droits de donation et de succession, puisque ces derniers sont calculés selon la valeur du bien en nue-propriété.
De plus, un abattement, renouvelable tous les 15 ans, est applicable sur les droits de donation lorsqu’il s’agit de la transmission du patrimoine dans le cadre familial :
100 000 € par enfant ;
31 865 € par petit-enfant ;
15 932 € par frère ou sœur ;
5 310 € par arrière-petit-enfant.
La pleine propriété est automatiquement reconstituée au décès de l’usufruitier, sans que les bénéficiaires aient à payer de droits de succession supplémentaires. Des clauses permettant au conjoint survivant de bénéficier de l’usufruit en cas de décès de l’usufruitier actuel peuvent être prévues dans l’acte de donation.
Ce montage est particulièrement intéressant dans le cadre d’une succession au sein d’une même famille, mais il existe aussi d’autres modalités d’acquisition en démembrement de propriété, comme le démembrement croisé de parts de sociétés civiles.
En résumé, une acquisition immobilière en démembrement est un type d’investissement spécifique qui comporte de nombreux atouts, dont son coût abordable et sa fiscalité avantageuse. Elle nécessite néanmoins une étude approfondie pour assurer sa rentabilité, en fonction de la situation patrimoniale et des objectifs à court et long terme.