Depuis plusieurs années, la France a fait de lutte contre l’artificialisation des sols un enjeu important dans sa politique de protection de l’environnement, et notamment de la biodiversité. L’artificialisation des sols entraîne en effet une perte de la biodiversité du fait de la disparition d’écosystèmes. Elle participe également au réchauffement climatique et à l’augmentation des risques d’inondations. Enfin, elle a un impact sur notre souveraineté alimentaire, en diminuant fortement la surface des terres agricoles.
En 2021, la loi Climat et résilience a fixé une trajectoire pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols d’ici 2050, avec une étape intermédiaire de baisse de 50 % de l’artificialisation des sols d’ici 2031. Mais les collectivités territoriales ont rencontré des difficultés pratiques pour mettre en œuvre les mesures de cette loi. La loi du 20 juillet 2023 vise donc à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.
La loi Climat et résilience définit l’artificialisation des sols comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. » L’artificialisation est donc directement liée à l’urbanisation et aux différents usages des espaces naturels et agricoles par les hommes. Le décret du 29 avril 2022 a complété cette définition en établissant une nomenclature réglementaire des types de sols considérés comme artificialisés ou non artificialisés.
En France, d’après le rapport du Cerema intitulé « Les déterminants de la consommation d’espaces 2009-2019 », près de 10 % des sols sont artificialisés. Le rythme actuel d’artificialisation est d’environ 20 000 hectares chaque année (cf. graphique ci-dessous, issu du même rapport). L’augmentation des zones artificialisées est beaucoup plus rapide que la croissance de la population française.
Ainsi, tous les dix ans, c’est l’équivalent d’un département de la taille des Yvelines qui disparaît sous le béton.
Pour mesurer l’atteinte de l’objectif ZAN, il faut calculer l’artificialisation nette. Cette dernière est égale au solde de l’artificialisation brute et de la renaturation (ou désartificialisation) sur un périmètre et une période donnés.
L’artificialisation brute correspond à la définition du phénomène d’artificialisation telle que nous l’avons donnée ci-dessus. La renaturation d’un sol correspond à « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol ». Ces actions permettent de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.
Pour atteindre l’objectif ZAN (Zéro artificialisation nette), il faut donc qu’il y ait (au moins) autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées. Pour cela, il faut en priorité réutiliser les terrains déjà artificialisés et densifier le bâti. Les nouvelles constructions ne sont pas pour autant interdites sur des terres agricoles, naturelles ou forestières, mais doivent désormais être compensées par une renaturation équivalente des sols.
La loi du 20 juillet 2023 vise à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. Elle ne modifie pas les objectifs fixés en 2021 par la loi Climat et résilience en matière d’artificialisation, mais offre un peu plus de souplesse aux collectivités territoriales pour les atteindre, en cherchant un équilibre entre poursuite de l’objectif ZAN et développement local.
La loi du 20 juillet 2023 accorde ainsi des délais supplémentaires pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation dans les documents d’urbanisme locaux. La loi Climat et résilience prévoyait en effet des délais particulièrement courts et ambitieux : les régions ont désormais plusieurs mois supplémentaires pour mettre en conformité les documents d’urbanisme.
En attendant la mise à jour des documents d’urbanisme, deux outils seront mis à disposition des élus locaux pour les aider à réduire l’artificialisation des sols. Tout d’abord, le droit de préemption urbain sera élargi aux terrains « qui présentent un potentiel majeur pour favoriser l’atteinte des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols ». De plus, un sursis à statuer pourra être opposé à toute « demande d’autorisation d’urbanise entraînant une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qui pourrait compromettre l’atteinte [de ces] objectifs » d’ici 2031.
Du point de vue de la gouvernance, la loi du 20 juillet 2023 prévoit la mise en place de conférences ZAN régionales dédiées à la lutte contre l’artificialisation des sols, avec la participation d’élus de chaque département. Ces instances devront remettre au Parlement au 1er semestre 2027 un rapport sur la consommation foncière et les résultats obtenus par rapport aux objectifs retenus au niveau régional. Avant 2031, elles devront présenter le bilan de l’artificialisation de la première décennie suivant la publication de la loi Climat et résilience, et proposer des pistes de réduction pour les décennies suivantes permettant d’atteindre l’objectif ZAN en 2050.
La loi du 20 juillet 2023 définit également les types de travaux qui entrent dans la catégorie des projets structurants d’envergure nationale ou européenne, dans le cadre d’un forfait national qui s’élèvera à 12 500 hectares. La consommation foncière de ces projets sera comptabilisée au niveau national et n’entrera pas dans le calcul de l’artificialisation des collectivités. De plus, une commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols pourra être saisie en cas de désaccord sur la liste des projets, qui doit être fixée par arrêté par le ministre chargé de l’urbanisme.
Par ailleurs, toutes les communes couvertes par un plan local d’urbanisme disposeront lors de la première décennie 2021-2031 d’une surface minimale pouvant être artificialisée d’un hectare. Cette surface garantie pourra être mutualisée à l’échelle intercommunale. Pour les communes littorales, les objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation tiendront compte du recul du trait de côte.
Enfin, le dernier article de la loi du 20 juillet 2023 prévoit que le gouvernement remette au Parlement d’ici fin janvier 2024 un rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l’artificialisation des sols. Des dispositions fiscales devraient donc compléter à l’avenir l’arsenal de lutte contre l’artificialisation des sols.